Comment se manifestent les discriminations envers les habitant-es des quartiers populaires ?
Tout d'abord à travers l'image que la société a d'eux. À cause de certains médias, ils sont perçus comme des délinquants voire des terroristes en puissance, et ces représentations dépréciatives sont vécues comme une violence symbolique.
Par ailleurs, ces quartiers regroupent des populations précarisées par définition et cumulant des discriminations multiples, notamment ethno-raciales puisqu'ils concentrent des descendants de l'immigration. À cela s'ajoute par exemple la discrimination à l'adresse. L'ensemble de ces facteurs engendre un traitement différencié pour l'accès à l'emploi, au logement...
L'école échappe-t-elle à ce mécanisme ?
Non, car ces jeunes sont considérés comme étant moins en capacité de réussir dans des formations exigeantes et ne sont pas orientés de la même façon. De plus, les élèves sont pénalisés par le manque d'enseignants sur le terrain : ils ne veulent pas y aller et l'Éducation nationale ne met pas les moyens pour les encourager.
Paradoxalement, les parents sont très soucieux de la réussite scolaire. Ils ont une attente réelle qui se heurte à la réalité ! D'où un sentiment d'absence d'ascenseur social et de trahison de la République car une éducation de moins bonne qualité est fournie à leurs enfants.
Quelles sont les conséquences pour les personnes discriminées ?
Au niveau individuel, ça joue sur l'estime de soi et la santé. C'est frappant : on constate beaucoup de dépressions, d'usage de drogue, d'alcoolisme... Et une espérance de vie moins importante. La discrimination détruit les gens, y compris dans leurs corps ! À l'instar de la situation économique : à qualification égale, il est plus dur de trouver un emploi, de voir évoluer sa carrière. D'où un surchômage, des conséquences financières...
Quelles réactions suscite la discrimination chez ses victimes ?
Il n'y en a pas toujours. Souvent, elle est banalisée, voire intériorisée, ce qui entraîne fatalisme et résignation. Mais pour certains, elle suscite une forme de politisation ordinaire. Ça se traduit rarement dans les urnes mais plutôt par de l'engagement dans les associations, qui apparaissent comme un recours... si les conditions le permettent.
En effet depuis 2015, beaucoup d'initiatives se heurtent à la défiance des institutions : baisse des soutiens financiers, attaques contre certains de leurs acteurs accusés d'être antirépublicains, séparatistes, communautaristes...
Et les jeunes ?
Beaucoup d'entre eux ont du mal à échapper à ce schéma, ce qui nous ramène à l'importance des associations : il faut un travail d'éducation populaire pour faire basculer les choses.
Cela peut passer par des ateliers pour témoigner de son expérience, avec l'idée que la mise en commun permet de passer du problème individuel au collectif, et de l'info pour faire connaître les droits, rappeler que certaines pratiques sont punies... Toutes ces initiatives contribuent à l'émergence d'une conscience sociale, nécessaire pour mobiliser et faire bouger les lignes.