Retrouver son propre rapport au temps - Christian Clot - Grenoble 2040

Lors de la dernière rencontre Grenoble 2040, nous avons questionné notre rapport au temps, et eu le plaisir d'interroger Christian Clot, explorateur et chercheur, directeur du groupe de recherche Human Adaptation Institute, spécialiste de l’adaptation humaine en conditions extrêmes. Dans cette interview, il retrace l'expérience Deep Time, où 15 personnes se sont retrouvées 40 jours sous terre, sans aucun indicateur temporel. Il nous fait part des résultats sur les personnes, et sur l'importance que chacune et chacun puisse retrouver son propre rythme, son propre rapport au temps.

Société

Par Christian Clot, publié le 12 mars 2025

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Retrouver son propre rapport au temps - Christian Clot - Grenoble 2040

80% de la population mondiale considère qu'elle n'a plus le temps. On est quand même dans un extrêmement particulier qu'on n'a plus connu depuis plus de 70 ans. Donc oui, il va y avoir des changements profonds. Oui, il y aura peut-être même, à malheurement, des drames absolus avec des guerres, avec des drames environnementaux. Tout ça crée une fonction cognitive très particulière qui est une sorte de harassement permanent, dans lequel on a l'impression de ne plus trop savoir comment se positionner. Lorsque l'on a dit aux gens, changez, parce que le climat le demande, mais où est l'espace pour les gens de trouver le temps cognitif du changement ? L'injonction au changement est partout. Offrir aux gens le temps du changement n'est nulle part.

Encart texte : Grenoble 2040

Bonjour, je m'appelle Christian Clot. Je suis explorateur-chercheur et je dirige un institut de recherche qui s'appelle le Human Adaptation Institute, qui travaille sur la capacité humaine à s'adapter à de nouvelles conditions de vie.

Alors effectivement en 2021, j'ai conçu l'expérience Deep Time qui avait pour but de mettre une quinzaine de personnes, des femmes et des hommes, dans un contexte totalement hors du temps, donc de couper toute information que ce soit celle du soleil, de nos montres, de toute information sensorio-temporelle. Et pour ça, on s'est enfermés dans une grotte, la grotte de Lombrives en Ariège avec ces personnes pendant 40 jours pour voir finalement comment notre structure cérébrale et comment nos fonctionnements sociétaux évoluent quand on est soudainement coupés de la notion temporelle. Cette notion du temps est fondamentale parce qu'elle définit nos sociétés, tout ce qu'on est, tout ce qu'on fait, toute notre organisation avec d'autres personnes passe par la notion du temps, des rendez-vous, de l'organisation et toute la question se pose de savoir comment ça se passe lorsque tout ça disparaît.

Pourquoi avoir réalisé cette expérience dans une grotte ?

Alors on a choisi une grotte et il y a plein de raisons à ça. La première c'est qu'il y a une historique au sujet des grottes et du hors du temps parce que c'est en France qu'en 1962 un homme qui s'appelle Michel Siffre a eu la première idée de se mettre tout seul dans une grotte coupé du temps et ça était fascinant à l'époque ça a beaucoup intéressé et là pour la première fois peut mesurer la chronobiologie humaine quand on a cette absence temporelle. Depuis il y a eu pas mal d'expériences de gens solitaires parfois à deux mais ça ne s'était jamais fait en groupe donc déjà il fallait tenter cette expérience avec un groupe de personnes et non plus en solitaire. La deuxième raison d'une grotte c'est que nous on travaille avec un institut sur la notion de la vie réelle dans des milieux naturels on a tendance à croire que on peut étudier la même chose dans une chambre fermée comme ici par exemple cet espace blanc avec des vitres que lorsqu'on est confronté à une réalité territoriale qui elle nous surprend. Quand on est dans un désert, quand on est dans une montagne, il y a soudainement des coups de vent, il y a des changements et finalement c'est ça qui fait aussi la capacité de faire face à une situation. Donc je voulais vraiment un milieu naturel et je voulais pas une petite grotte mais je voulais une très grande grotte pour qu'on puisse être émerveillés de vivre dans ce milieu. On était au cœur de la terre à quelque part, une grotte de plusieurs kilomètres de long avec plusieurs niveaux avec des galeries énormes des toutes petites où au fur et à mesure de l'expérience chaque personne a pu trouver quelque chose qui le faisait du bien, qui l'émerveillait. Or justement notre recherche pose la base que l'émerveillement, la capacité à voir le beau et à avoir envie du futur est une des clés majeures de l'adaptation.

Est-ce qu'il y a une sorte de désenchantement du monde dans lequel on vit ?

Alors aujourd'hui je ne sais pas s'il y a un désenchantement. Il y a en tout cas des craintes, des peurs, il y a beaucoup de doutes, on entend énormément de choses, on ne sait pas toujours comment se situer. Effectivement il y a une tendance à dire que le monde futur est potentiellement assez désagréable. Et malheureusement, on ne peut pas toujours contredire cette idée, c'est vrai que tout ce qui se passe aujourd'hui que ce soit en termes climatiques et environnementaux, en termes géopolitiques, on est quand même dans un moment extrêmement particulier qu'on n'a plus connu depuis plus de 70 ans, et puis même au niveau technologique. Qu'est-ce qui va se passer avec tout ce qui nous arrive aujourd'hui qui peut être très positif, les IA génératives, comme assez risqués ? Tout ça crée une fonction cognitive très particulière qui est une sorte de harassement permanent, dans lequel on a l'impression de ne plus trop savoir comment se positionner. Et c'est là justement l'importance de retrouver du sens à la beauté, du sens à son envie, à ses espoirs. J'entends parfois dire que l'espoir est négatif parce qu'il nous ferait croire que le monde de demain peut être facile ou possible, mais sans espoir, sans envie de se projeter, sans envie de construire un futur, il n'est aucune possibilité d'agir et de changer ses comportements pour le rendre possible. Donc évidemment, on ne va pas dire que ne vous inquiétez pas, tout va bien demain, ce sera merveilleux. Non, il y a des vrais enjeux, il y a des vrais problèmes, mais la seule solution d'y répondre, ce n'est pas de mettre des nouvelles technologies ou de mettre plus de lois, plus de charges, plus de finances. C'est que nous, humains, nous soyons capables de changer certains de nos comportements pour faire face à ce futur et de le construire à l'image de l'équilibre nécessaire avec la nature. Et pour ça, il faut s'émerveiller, il faut rêver, il faut projeter un futur possible et il faut changer les comportements pour qu'on le rende possible.

Quels résultats avez-vous obtenus du fait de cette rupture avec les injonctions temporelles ?

Ce qui est merveilleux quand on coupe l'information temporelle, c'est qu'on ne coupe pas seulement la marge du temps, qui aujourd'hui a tendance à accélérer en permanence. On voit bien qu'on est toutes et tous soumis à des sortes d'accélération. On reçoit un nombre de mails considérables, on a des notifications permanentes, on a des rendez-vous, des demandes. On a l'impression qu'on est sans cesse en train de courir derrière quelque chose, et finalement, cette réappropriation de notre propre temps devient très compliquée. Et quand on coupe tout ça, on constate que ce n'est pas seulement cette accélération du temps qu'on coupe, c'est l'occupation cognitive qui va avec cette accélération du temps. Soudainement, notre cerveau retrouve de l'espace. Tout ce temps qu'on passe à regarder des messages, à regarder des mails, à avoir des bruits, des sons, des choses qui nous attirent, qui nous intriguent, c'est un espace qu'on peut occuper à autre chose. Retrouver de la créativité, retrouver des envies, des idées, retrouver des besoins, et effectivement se redécouvrir soi-même en tant qu’individu animal. Parce que nous avons une chronobiologie personnelle, une manière de vivre, et que, soudainement, quand on ne vous dit plus à quelle heure vous devez vous coucher, vous lever, manger ou faire quelque chose, vous retrouvez un cycle parfaitement naturel pour vous, et c'est juste extraordinaire. Soudainement, vous n'avez plus de fatigue parce que vous vous couchez quand vous êtes fatigués, vous dormez, vous vous réveillez, vous avez merveilleusement dormi, et votre journée, vous ne savez pas la durée. Et cette notion-là, que même moi, après 30 ans d'expédition, je n'avais jamais connu à ces paroxysmes-là, de pouvoir entièrement maîtriser son propre système de vie, est extraordinaire.

Est-ce que les personnes qui vivaient dans cette grotte avait des rythmes différents ?

Oui alors on était 15 dans cette grotte donc 7 femmes et 8 hommes Effectivement on pourrait croire que bon an, mal an, fil au fil du temps qui passe, on allait retrouver tous un rythme équilibré, se mettre au rythme des uns des autres et finalement avoir quelque chose de commun. C'est pas du tout ce qui se passe. En réalité, chacune, chacun, génère son propre rythme, va se coucher quand il ou elle est fatigué, se réveille quand il est nécessaire et finalement tout le monde trouve son propre rythme. Alors c'est assez étonnant parce que quand on se lève le matin on ne sait pas qui sera là, l'espace de vie, parfois c'est quelqu'un, parfois c'est une autre personne. Il y a quand même des petites rythmes qui se synchronisent, puis tout d'un coup qui désynchronisent, on ne sait pas trop pourquoi. Et la question ne se pose même plus en réalité. Et c'est là qu'on retrouve une nouvelle organisation sociale où chacun qui parce parce qu'il vit à son propre rythme peut être pleinement disponible aussi pour les autres dans les temps où on est réveillé. Et cette disponibilité là qui n'est pas toujours facile à avoir dans la vie de tous les jours, elle devient extraordinaire. Elle permet de faire des choses, des tâches, des fonctions, même du travail de manière extrêmement efficiente puisqu'on le fait un rythme qui nous est parfaitement convenant. Et ça c'est quelque chose d'assez étonnant. Mais effectivement on a des personnes qui ont eu l'impression de passer 30 jours puisque pour nous ainsi que c'était un sommeil et une veille. Donc je vais me coucher, je dors, je me réveille, je passe une journée, je retourne me coucher, c'est un cycle. Et ben moi je n'en avais par exemple 29 à la fin des 40 jours, d'autres en avaient 23, d'autres 31. Bref tout le monde avait ses propres cycles mais ce qui est certain c'est que lorsqu'on est venu nous chercher au bout de 40 jours pour nous dire il est temps de sortir, personne ne pouvait le comprendre parce que tout le monde était encore dans son propre monde. Alors ce qu'il y a des personnes pour qui c'était difficile, je dirais non, étonnamment. Il y a des gens qui avaient beaucoup d'inquiétudes et j'en fais partie parce que quand on monte une expédition comme celle-ci, on engage les personnes, c'est sa responsabilité. Donc au moment où on rentre dans cette grotte, il y a beaucoup d'inquiétudes, il y a des gens qui ont peur du noir. Il y a des gens qui sont claustrophobes. Il y a moi qui organise cette expé, il y a cette inquiétude que tout se passe bien. Je me dis préalablement les personnes qui l'ont fait avant moi en solitaire, en souvent eu des grandes difficultés, voire des dépressions. Parfois, je suis pas en train de faire quelque chose d'abérant. Et très rapidement, toutes ces inquiétudes au bout de 5-6 cycles sont totalement tombées. Une personne qui avait besoin de se mettre une petite lumière à la nuit pour garder cette sensation lumineuse a pu l'éteindre. Une personne qui avait peur que la grotte lui l'écrase tellement on était à plusieurs centaines de mètres sous terre ne s'est plus posée la question Et finalement tout le monde a trouvé ses marques. Et je pense sincèrement qu'il faudrait poser des questions à chacun et à chacun, mais en tout cas c'est le retour qu'on en a, a vécu cette expérience de manière merveilleuse.

Comment cette expérience peut nous influencer dans notre vie quotidienne ?

On peut se poser la question de finalement une expérience comme ça, elle est très jolie et intellectuellement belle, mais à quoi ça sert ? En fait, ça sert à beaucoup de choses. La première, c'est constater que nos cerveaux humains aujourd'hui dans le monde dans lequel on vit, sont suroccupés. Et d'ailleurs, quand on fait des travaux, il y a par exemple des questionnaires qui sont posés dans le monde entier, partout, les trendsetters, l'hoboscope et d'autres, qui montrent une chose très réaliste, c'est qu'aujourd'hui 80% de la population mondiale considère qu'elle n'a plus le temps, que le temps va trop vite, qu'on a perdu la maîtrise. Et ce que ce soit dans n'importe quel pays, n'importe quel continent, cette sensation existe. Ça veut bien dire qu'aujourd'hui, on a déformé le temps en rapport aux besoins humains, et je dirais même aux besoins du vivant en général. Cette déformation du temps qui nous pousse à une sorte d'accélération constante, nous empêche quasiment de retrouver l'acceptabilité personnelle, de ne rien faire. Et si quelqu'un ne fait rien, on lui dit « Mais attends, t'as rien foutu, vas-y, agis, bouge, qu'est-ce t'as fait ? » Non. Et en fait, on a perdu cette capacité à simplement regarder le monde vivre. Et donc, parce qu'on le regarde plus vivre, on l'exploite et on le surexploite. Donc la question aujourd'hui se pose non pas évidemment d'arrêter tout ce qu'on a, de quitter la technologie, de s'enfermer dans un espace où il n'y a plus rien, c'est pas la question, mais de se poser la question de cette accélération constante et de ce qu'on veut accepter ou non de recevoir en tant qu'information. je milite par exemple, pour qu'on interdise totalement les notifications sur les téléphones, que les applications n'aient plus le droit d'imposer la notification, qui fait des petits bips, des petits vibreurs qui nous attirent le cerveau, que l'on ait la possibilité de choisir la quantité d'informations que nous recevons. Posez-vous la question à chaque fois qque vous envoyez un mail, est-il utile ? Devez-vous vraiment mettre 18 personnes au copie, parce que vous dites que tout le monde soit dans la boucle ? Toutes ces choses-là aujourd'hui sont des marqueurs profonds de notre incapacité cognitive à redessiner notre futur, parce qu'on est entrainés dans quelque chose qui ne laisse plus l'espace cognitif. On doit récupérer notre temps cognitif pour avoir de la créativité, avoir de l'envie et se projeter dans quelque chose que l'on doit construire lorsqu'on a dit aux gens, changez, parce que le climat le demande, mais où est l'espace pour les gens de trouver le temps cognitif du changement ? Cette question-là personne ne la pose. L'injonction au changement est partout. Offrir aux gens le temps du changement n'est nulle part. Deep time nous a appris ça.

A quoi pourrait ressembler le monde en 2040 ?

La question qui est posée, c'est comment le monde va évoluer. J'aimerais dire qu'on va comprendre ce besoin de reconquérir le temps, qu'on va comprendre le besoin de faire attention, de ne pas trop réchauffer la planète, qu'on va comprendre le besoin de refaire corps avec la nature. C'est mon souhait, c'est mon rêve, C'est à ça que je me bats tous les jours, Le message qui passe aujourd'hui un peu partout n'a ne va pas vraiment dans cette direction. On voit plutôt un monde où le mensonge devient une vérité, où on peut dire n'importe quoi et puis finalement ne pas être contredit. On le voit avec des déclarations complètement folles, y compris des personnalités au plus haut niveau des États aujourd'hui. Ce qui veut dire qu'il y a quand même une petite inquiétude à avoir. Maintenant, disant ça, j'ai rien dit. Parce que le futur qu'on aura en 2040, néanmoins, il est celui que nous construirons. On peut dire ce qu'on veut, on peut se dire que c'est foutu, on ne peut plus rien faire, il n'y a qu'à laisser faire, il y aurait une guerre ici, il y aura des problèmes là, il fera trop chaud, on va crever de chaud, tout ça. On peut aussi se dire, bon, ok, il y a plein de choses qui ne vont pas très bien partout, mais moi à mon niveau, qu'est-ce que je peux faire ? Et la plus belle chose que vous pouvez faire aujourd'hui au-delà de vous réapproprier votre temps, c'est de coopérer, d'aller voir les autres, de faire avec les autres, de savoir seul on déplace un grain de sable, un grain de sable, et qu'à plusieurs, on déplace des tonnes de cailloux. Et finalement, quand on se met ensemble et qu'on a cette envie sans forcément être d'accord sur tout, mais d'agir de manière commune et coopérative, à savoir que tout le monde a envie de réussir ensemble, il y a quand même énormément de choses qu'on peut faire. Et peut-être que finalement, prenons positivement ces aberrations qu'on est en train de vivre, dans certains contextes avec des déclarations complètement folles pour se dire, ok, ça, on le met de côté et on s'unit aujourd'hui ensemble pour construire le monde qu'on désire. Si on fait ça, il y a quand même beaucoup de chance qu'il y ait des choses qui fonctionnent. Alors je ne dis pas que ça se fera facilement. On voit bien qu'encore une fois, nous avons un problème d'occupation cognitive, mais c'est à nous, dès aujourd'hui, de se dire quel temps je veux consacrer à mon changement, quel temps je veux consacrer au changement pour les autres, est-ce que c'est 5 minutes par jour, est-ce que c'est 1 heure par jour, il n'y a que vous qui pouvez le décider, mais quand vous l'avez fait, faites-le. Et alors, les choses changent réellement.

Face aux crises à venir, quelles capacités d'adaptation sont à solliciter ?

L'adaptation c'est un vecteur fondamental, on a souvent confondu d'ailleurs, on a opposé même adaptation, atténuation, tout ça, ça ne veut rien dire. L'adaptation c'est à chaque fois que une personne est confrontée à un besoin de changement, parce que la condition dans laquelle elle vit, s'est transformée Soit parce que je me suis déplacé, par exemple j'ai déménagé, soit parce que l'univers dans lequel je vis se transforme. Et là il faut accepter de transformer un certain nombre de choses, il faut changer des comportements, des manières de faire, de fonctionner. Et la clé de ça, la première clé, c'est la notion d'acceptation. Alors l'acceptation c'est pas je me résigne à ce qu'il se passe, ou j'abandonne parce que c'est foutu, c'est tout le contraire. C'est de considérer la situation pour ce qu'elle est, et non pas ce que j'aurais voulu avoir, ce que j'aurais je rêverais d'avoir, non. J'ai quelque chose, c'est ma base de travail. À partir de là je peux commencer à construire quelque chose de nouveau. Tant que j'essaye de projeter des choses impossibles qui n'existent pas, ou des choses qui ne sont plus là, je perds un temps cognitif considérable pour utiliser mon énergie à construire quelque chose sur une base qui existe. Donc oui aujourd'hui, il faut être très clair, on sauvera pas tout. Les glaciers, malheureusement, on le voit dans les Alpes, vous êtes ici à Grenoble, les glaciers fondent pour certains et continueront de fondre un peu fondre un peu la question n'est plus de savoir s'il faut sauver des glaciers qui sont déjà en train de disparaître. La question c'est comment est-ce qu'on sauve les glaciers qui sont encore là. La question c'est pas de savoir si on arrive à empêcher que la température augmente un peu. La question c'est de savoir si on peut l'empêcher de monter à 3° plutôt que 2°. Elle est là la question. Donc oui, il va y avoir des changements profonds. Oui, il y aura peut-être même malheureusement des drames absolus avec des guerres, avec des drames environnementaux. Je ne pense pas qu'on pourra l'empêcher. Mais plutôt que de regarder ça de loin en se lamentant on doit vraiment essayer des choses pour qu'on résolve tout ce qu'on peut résoudre. C'est comme ça que ça s'est passé à la fin de 1939-1945. On a décidé enfin de construire autre chose. Aujourd'hui, on est en train de mettre à bas cette époque, en recommençant des aberrations et des édécubrations. Je ne dis pas que tout ira bien demain, mais ce que je sais c'est qu'on est capable en tout cas en Europe et avec les partenaires un peu partout de construire quelque chose qui puisse réellement fonctionner. Il faut s'y mettre.

Grenoble 2040, on essaie de relier raison et émotion, quelles sont vos émotions ?

Alors je sais pas si je peux parler de mes émotions parce qu'on en a tous toujours beaucoup. Ce qu'on a montré dans nos missions, dans nos travaux scientifiques, c'est que l'émotion, c'est la base du changement, la sensibilité, c'est la base structurelle de nos décisions. Donc toutes nos décisions sont basées sur nos émotions. sans émotion, vous n'avez pas de décision comportementale. C'est pour ça qu'on a monté le climate sense, cette chambre climatique qui permet de mettre des gens dans le climat du futur pour qu'ils ressentent ce climat afin de leur donner envie d'agir. Et je crois qu'on doit se réapproprier nos émotions. Moi j'essaie en tout cas d'écouter mes émotions dans tout ce qu'elles représentent. Parfois elles ne sont pas agréables, parfois elles nous rendent nostalgiques, elles nous rendent triste, parfois elles nous rendent heureux. Mais ce qui est certain c'est que si on nie ces émotions les émotions qu'on aime moins comme la peur, les émotions qui nous rendent tristes, si on essaie de cacher, de pousser, on ne construit pas quelque chose de positif parce qu'elles sont là, et que si elles sont là, c'est qu'elles ont une raison d'être là. Donc il faut prendre ces émotions pour ce qu'elles sont, il faut travailler avec, nous avons toutes et tous les émotions, on a tous envie de pleurer parfois, on a tous envie de rire parfois, ça fait partie de nous. Acceptons-le. Et quand ça vient, assumons, prenons-les comme elles viennent, sachant que c'est une base de nos décisions, et sincèrement quand on se met à écouter un peu plus ces émotions, on constate que la nature nous envoie beaucoup de messages extraordinaires, et que finalement les choses ne sont pas si mal.

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