Manuscrit Birman en caractères dits « pali carré ». Don du général de Beylié en 1906.
Photo d'un manuscrit Birman.

© Bibliothèque municipale de Grenoble

Biens spoliés: Les collections grenobloises passées à la loupe

À l’initiative, depuis cinq ans, d’une mission de recherche sur la provenance de ses œuvres et objets, Grenoble figure parmi les premières collectivités territoriales à faire vœu et état de transparence sur ses collections.

Culture

Par Anna Figari, publié le 24 avr. 2025

Article

C’est un travail de fourmi qui a commencé en 2021, et qui ressemble à un pas de géant. Un travail tout aussi passionnant par la profondeur et la finesse des recherches menées que par son caractère éthique, qui résonne comme une prise de position de Grenoble sur le sujet de la restitution des biens spoliés pendant la période nazie (1933-1945) et lors de la colonisation.

C’est en effet sur cette thématique que planchent, depuis bientôt cinq ans, trois de ses institutions, à savoir la bibliothèque municipale, le Muséum et le musée de Grenoble, autour de leur direction et/ou de leurs conservatrices respectives, Isabelle Westeel, Rebecca Bilon et Joëlle Vaissiere.

Retour en arrière. En 2020, Grenoble, par la volonté politique de son maire Éric Piolle, vise le double objectif d’identifier la provenance des collections grenobloises et de nourrir la réflexion générale pour faire évoluer une réglementation française encore balbutiante sur la restitution des biens spoliés.
En réponse à cette commande publique, la bibliothèque municipale, le Muséum et le musée de Grenoble créent un groupe de travail transversal… et prennent la mesure de l’ampleur de la tâche. La quête de provenance sur l’ensemble de leurs collections a de quoi se confondre avec la recherche d’une aiguille dans une botte de foin…

Photo d'une statuette vietnamienne à 12 bras
Photo d'une statuette vietnamienne à 12 bras :
Vietnam Bodhissatva Quan Thê Am à douze bras
© Musée de Grenoble JL Lacroix

Par quoi et par où commencer ?
Isabelle Westeel, Rebecca Bilon et Joëlle Vaissiere se souviennent avoir dû prioriser. Trois collections d’objets extra-européens, données ou léguées par des militaires coloniaux actifs et des administrateurs en position d’autorité, sont passées à la loupe : les objets asiatiques du musée de Grenoble, les fonds africains du muséum et les manuscrits orientaux de la bibliothèque d’étude et du patrimoine.

Ce qu’il en ressort ? Majoritairement des objets artisanaux, sériels, usuels, et non des pièces de grande valeur marchande ou symbolique.
Parmi eux : une dizaine dont la provenance pourrait justifier un déclassement. Cet état des lieux incluant la liste (évolutive) de ces objets, est présenté en 2022 lors des Journées du Patrimoine, et publié en ligne.

Depuis deux ans, la méthodologie mise en place, assortie de préconisations, nourrit les projets scientifiques et culturels des trois institutions. L’investigation se poursuit autour des biographies des donateurs et donatrices, avec l’encadrement d’un mémoire de master à l’UGA sur les collectionneurs et collectionneuses d’art asiatique à l’échelle du Dauphiné, par la réalisation de photographies systématiques des revers des châssis des oeuvres, par l’étude des écritures manuscrites (qui relève quasiment de la paléographie !).
Et par la sensibilisation du grand public lors des parcours de visites, où des petits cartels explicitent le contexte des acquisitions. Parce que seul un retour aux sources donne du sens à l’Histoire…

Photo d'un haut de reliquaire Kota
Photo d'un haut de reliquaire Kota :
Haut de reliquaire Kota
© Muséum de Grenoble P. Candegabe