Portrait des chocolatiers Zugmeyer.
© Jean-Sébastien Faure

Grenoble : quatre commerces en plein renouveau

Il y a des commerces qui viennent d’ouvrir, qui s’agrandissent, prennent leur vitesse de croisière ou pérennisent une histoire familiale. Leur point commun ? Un ancrage fort dans l’hyper-centre où leur savoir-faire et leur créativité forcent l’admiration. Rencontres.

Economie

Par Isabelle Ambregna, publié le 3 nov. 2025

Article

Zugmeyer, le goût de la transmission

Depuis 1930, les Grenoblois-es fondent pour ses chocolats. Créée par les Zugmeyer, chocolatiers alsaciens, la boutique n’est pas seulement restée fidèle au boulevard Agutte-Sembat qui l’avait vue naître, mais surtout à l’excellence de la fabrication impulsée par la famille Besson, laquelle reprit l’affaire dans les années soixante, fut récompensée par un Grand Prix du Prestige de la Gourmandise en 1978, décrocha le label EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant) en 2016 avec son palet d’or à la ganache montée et refroidie (à la glace) à l’ancienne, et conquit l’export auprès des Japonais-es ! La 3e génération est en marche.

Après Jacques Besson, le grand-père, puis ses enfants, Patrice et Audrey, arrivés dans les années quatre-vingt-dix, c’est au tour de leur fils Julien de reprendre le flambeau familial. Plongé pendant 4 ans au cœur du laboratoire de la chocolaterie familiale, puis à la boutique depuis (déjà) 6 ans, le trentenaire entend pérenniser l’histoire familiale qui se confond avec la patte Zug dont la finesse et la gourmandise infusent dans ses 60 variétés de bonbons chocolat – aux immuables ganaches aériennes –, ses 17 tablettes de chocolat, ses boîtes collectors aux dessins exclusifs, et dans l’écrin même de la boutique émeraude et rose poudré, au plafond d’origine (1895). Enchanteresse comme les créations de la maison. La toute dernière ? Le Julien, une ganache montée, parfumée à la truffe !

4, bd. Agutte-Sembat - 04 76 46 32 40

La Chouette Dorée fait son nid

Les cinq artisanes posent dans la boutique.
Les cinq artisanes posent dans la boutique. :
© Auriane Poillet

En 2011, Hélène Debruères, jeune couturière grenobloise, crée en solo son petit atelier-boutique au nom d’Eska, marque de vêtements éthiques. Qui lui donne l’idée d’inviter, en ce lieu discret de la rue Lieutenant-Chanaron, d’autres artisanes aux doigts de fées. Avec les Grenobloises Delphine Baffier (modiste), Julia Belle (illustratrice), Océane Doledec (céramiste) et Élisa Tisseyre (maroquinière), La Chouette Dorée naît en 2018. Repéré par celles et ceux qui aiment les choses pas vues ni revues, et surtout bien fabriquées, le collectif fait son nid, rapidement trop petit pour abriter sa propre production et celles d’autres talents.

S’envoler ? Affirmatif, répond le collectif, parti se nicher… deux cents mètres plus loin, dans des locaux de 35 m2 deux fois plus grands que le précédent. Installé depuis juin 2025 rue Lakanal, leur nouvel espace respire, et surtout rayonne : La rue passante et la présence de nos voisins commerçants ont tout changé, sourient les artisanes qui elles, n’ont rien changé : même regard sur les matières nobles, même précision des gestes, même façon de dénicher d’autres savoir-faire, à l’image des bijoux contemporains en argent martelé signés Amok, de ceux en bois et acier incrustés de pierres fines créés par Ytak, et des pièces uniques de Clob’s Tissage, tisserande iséroise.

1 bis, rue Lakanal. Tél. : 04 56 24 76 66 Ouvert du mardi au samedi.

Maison L, pour l’amour des fleurs françaises

La fleuriste pose devant sa boutique.
La fleuriste pose devant sa boutique. :
© Sylvain Frappat

De mémoire de Grenoblois-e, il y a toujours eu des fleurs place Championnet. Et pas n’importe lesquelles, lorsqu’on connaît le goût de chacune des fleuristes qui, depuis un demi-siècle, s’y sont succédé, donnant au quartier un petit air de covent garden à la française. Justement. C’est à Londres que Léna Caillat a eu le déclic. Mieux que la langue de Shakespeare (qu’elle était partie approfondir), la jeune Grenobloise découvre une culture florale incroyable avec (entre autres) ses cafés-fleurs, qui ravivent des souvenirs d’enfance forgés auprès de sa mère, passionnée de botanique, et de son grand-père, jardinier au cœur tendre. De retour à Grenoble, elle décroche son CAP fleuriste, rejoint à Paris l’hôtellerie haut de gamme (qui dispose d’un atelier fleuriste intégré), rebondit aux Petites Antilles dans la fleur et l’événementiel – et garde Grenoble dans le rétroviseur.

Lorsqu’elle apprend que place Championnet, Martine de la Verticale du Jardin vendait, Léna fonce. Et ouvre, à 27 ans, sa Maison L, à elle. Deux ans et demi plus tard, son atelier-boutique (totalement refait) carbure à la beauté, et confirme les objectifs de Léna : Travailler avec des fleurs locales et dans tous les cas, des fleurs françaises, explique la jeune fleuriste qui s’approvisionne auprès de trois fermes florales de proximité, et a rejoint le Collectif de la Fleur française. Avec les dahlias (ses préférés), ricin, cosmos, toutes iséroises, puis les amaryllis, anémones et renoncules naissent des bouquets d’hiver au charme fou. Créations qui en appellent d’autres au vu des carnets poétiques, des bougies, du miel de You (son frère), et des céramiques de Sonia Déléani à laquelle Maison L consacre, mi-novembre, une exposition foisonnante.

1, place Championnet. Tél. : 04 76 85 35 07. Ouvert du mardi au dimanche.

Le café de la Poste, bien plus qu’un bistrot

Cinq personnes posent dans le café.
Cinq personnes posent dans le café. :
© Mathieu Nigay

Avec sa devanture blanche immaculée et jaune d’or, sa double terrasse, ses tournois de pétanque, son large zinc et ses plats du jour canailles, le café de la Poste resplendit. Un coup de jeune pour l’ancien bistrot décati qui fut longtemps le Télex, fermé, repris, puis refermé. Enfin rouvert depuis mars 2025 sous la houlette de quatre trentenaires, décidés à en faire un bistrot-restaurant de quartier, sous le statut de société coopérative (scop). À mille lieues d’imaginer qu’un jour, ils reprendraient un café, Alma, Joséphine, Marine et Nils, pour la plupart diplômé-es de l’école des Beaux-Arts Grenoble-Valence (ESAD), ont sauté le pas.

La faute au Jardin des délices de Jérôme Bosch – en version puzzle de 9 000 pièces : Tout en le faisant, on avait du temps pour parler. Parler de leur avenir, de leur envie de créer collectivement et de poursuivre individuellement leurs activités artistiques, qui un beau jour, croise cette annonce vue sur Leboncoin. Le fameux café. Alma, Joséphine, Marine et Nils ont gardé les délices, travaillant la carte autour de bons petits plats du jour, et ajoutant à leur manière le jardin. Totalement traversant depuis le boulevard Maréchal-Lyautey, le café de la Poste – repeint par leurs soins du sol au plafond, la cuisine et l’électricité remises aux normes, la mezzanine flanquée d’une marche en mosaïque, signée Nils – s’ouvre sur la petite place Édouard-Apvril (1843-1928), ex-étudiant aux Beaux-Arts et artiste-peintre grenoblois…

6, place d’Apvril. Tél. : 09 56 78 19 38. Ouvert du lundi au samedi. Café, restaurant le midi, brunch le samedi. Soir : concerts et soirées puzzle, tournois de pétanque. Expositions.