Nos montagnes se réchauffent deux fois plus vite que le reste du territoire et pourtant on continue de les aménager pour le ski. Comment expliquez-vous ce rapport acharné à l’«or blanc» ?
Cet acharnement est d’abord d’ordre économique. Le ski a permis et permet encore, pour certains territoires, le désenclavement, la création d’emplois et l’installation à l’année. Mais cela va souvent au-delà de la question économique, car dans certains territoires, l’économie est déjà bien diversifiée. Si on a du mal à activer la transition, c’est alors pour des raisons culturelles. Il y a un attachement culturel au ski, parce que depuis les années 1960, c’est une activité qu’on aime pratiquer, qui fait partie de l’identité montagnarde. Dans ce contexte, écrire un nouveau chapitre est toujours difficile.
On annonce que les prochains JO d’hiver 2030 seront durables. Partagez-vous cet avis ?
Non, malheureusement. L’imaginaire porté par les Jeux d’hiver, en lui-même, n’est pas durable. Ce n’est pas durable de faire rêver des enfants avec le ski lorsqu’en moyenne montagne, on se retrouve dans des situations de plus en plus compliquées. On peut aussi se poser la question de la durabilité d’un grand événement sportif comme celui-ci, international et multisites. Les JO d’hiver de Grenoble et d’Albertville étaient concentrés sur un seul territoire. Ceux de 2030 posent des défis majeurs en termes de mobilité par exemple. On va faire se déplacer les sportifs, les sportives et le public entre Nice, le Grand Bornand, Courchevel…
Justement, comment créer et élargir cet élan collectif pour la protection de la montagne ?
Nous avons tous les ingrédients pour réussir. Si on regarde dans les massifs autour de Grenoble, il y a beaucoup de projets qui portent sur le changement du rapport à la montagne, sur la pédagogie, la découverte des milieux, les métiers à l’année, etc. Par exemple, sur le plateau des Petites-Roches, on essaie de favoriser l’installation de producteurs locaux et productrices locales, on monte divers projets associatifs, de solidarité entre les habitant-es, etc.
En y prêtant attention, on constate qu’il y a pas mal de choses en cours ! Pour activer cette transition des territoires, il est maintenant nécessaire de créer du lien. C’est ce que j’appelle le changement d’imaginaire. Ce n’est pas tout réinventer, mais mettre l’attention là où il le faut. Plutôt que d’investir massivement de l’argent dans un modèle voué à disparaître, on pourrait accompagner celles et ceux qui font bouger les montagnes.
Comment convaincre les personnes qui prennent un plaisir énorme à dévaler les pistes de changer leurs pratiques ?
Je peux très bien comprendre ce plaisir, je pratique moi aussi le ski de randonnée. L’enjeu est de trouver du plaisir ailleurs. Selon moi, il n’y a rien de pire que d’essayer de reproduire artificiellement un plaisir qui se déroulait dans un beau cadre naturel. C’est magique, la neige ! Mais continuer à pratiquer une activité dans des conditions artificielles fait perdre cette magie. Le mieux qu’on ait à dire c’est : quand on peut skier, on skiera, et quand on ne peut pas, c’est l’opportunité de découvrir la montagne autrement, de faire autre chose. La montagne a tant de ressources à nous offrir ! Nous avons une chance fabuleuse de vivre dans ces territoires. Et je ne doute pas qu’on va continuer à s’y émerveiller.
Mountain Wilderness a lancé en début d’année une consultation nationale. Nous avons posé aux Françaises et aux Français la question suivante : quelles sont vos idées pour protéger et faire vivre les montagnes en 2030 ? Nous avons eu 450 000 réponses ! Nous sommes en train de les analyser avant d’organiser des temps de restitution sur tous les massifs français. Les propositions de nos concitoyen-nes portent notamment sur la mobilité, l’accès à l’habitat, la découverte de la montagne pour les plus jeunes… Des sujets majeurs pour interpeller nos élu-es !
Table ronde avec Fiona Mille, César Ghaouti, Emmanuelle George, Hillary Gerardi, Nadège Doubinsky et Florence Marchon
Cette table ronde aborde la résilience en montagne face aux défis climatiques, économiques et environnementaux. Expert-es, acteurs locaux et actrices locales échangeront sur les stratégies pour renforcer la durabilité des communautés montagnardes et viser une habitabilité des milieux montagnards.
Mardi 13 mai, de 20h à 22h au Palais des Sports