Nénuphar
. A 16 heures, quand la classe est terminée, cinq enfants en grande section de maternelle viennent souffler à l’oreille de Céline ce mot de passe pour entrer au Club langage de l’association Coup de pouce. Depuis début 2025, la facilitatrice accueille par ce rituel un petit groupe d’enfants qui parlent peu en classe, non parce qu’ils sont timides, mais parce qu’ils se sentent éloignés du langage de l’école, se sentent perdus avec la langue française ou n’osent pas prendre la parole.
Autant de plaisir à lire un livre qu’à regarder une série
Céline Dubreuil, après avoir été nounou, puis Atsem, est pendant le temps de classe accompagnante d’élèves en situation de handicap (AESH). Les mots, la lecture, c’est un domaine que j’adore. Je lis beaucoup et je voulais surtout faire découvrir aux enfants que l’on peut prendre autant de plaisir à lire un livre qu’à regarder une série
, partage l’intervenante, enthousiaste de cette nouvelle forme d’implication.
Elle intervient une heure par soir après la classe à l’école Jean-Racine, une des cinq écoles de Grenoble où les clubs de l’association Coup de pouce ont démarré il y a deux mois. Ce n’est ni du soutien scolaire, ni de l’aide au devoir mais un temps de discussion, de lecture et de jeux. Ce sont des enfants, repérés par les enseignants, qui ont les capacités cognitives pour réussir à l’école mais à qui il manque une sollicitation familiale autour de la culture de l’écrit et de la langue
, explique Yvan Petrouchine, en charge du développement territorial de l’association Coup de pouce.
Que les enfants soient dans la réussite
La proposition se veut récréative, sans pression de résultat. Les enfants prennent le goûter, on discute, je sors un jeu comme celui de la cocotte où ils doivent trouver des noms d’animaux, de vêtements, de couleurs. Nous partons de choses simples pour qu’ils soient dans la réussite, et on apprend de nouveaux mots petit à petit. Nous jouons autour d’un mot du jour qui devient le mot de passe pour entrer au club le lendemain
, raconte Céline Dubreuil. Bientôt, elle aimerait proposer une comptine, mais elle sait qu’il ne faut pas se précipiter.
Le langage doit être un plaisir. Si je mets la pression ou que c’est forcé, ils vont se refermer comme des huîtres. Petit à petit, je les vois prendre confiance. Je dirais presque que nous formons maintenant un groupe de pipelettes
, partage avec énergie l’intervenante. A la fin, s’il reste du temps, Céline lit une histoire en lien avec le mot du jour. Ils sont toujours émerveillés, quel que soit le livre que je choisis
, confie-t-elle.
Le monde de l’écrit n’est pas réservé à d’autres
L’ambition de Coup de pouce est aussi de toucher les parents, très éloignés de la culture scolaire et de l’écrit, et qui ne se sentent pas toujours capables de lire une histoire à leurs enfants. Nous souhaitons que les familles découvrent que le monde de l’écrit n’est pas réservé à d’autres et fait bien partie de la vie de leur enfant
, expose Yvan Petrouchine.
Pour faire le pont, les enfants rentrent tous les mois chez eux une revue à laquelle ils sont abonnés et explorée au club langage. Nous aimerions montrer aux familles qu’ils peuvent partager des choses qui se passent à l’école avec leurs enfants. Pour l’instant, ce n’est pas évident, nous les voyons très peu. Nous réfléchissons à comment les rejoindre, sans doute autour d’un goûter partagé bientôt, avec des jeux,
réfléchit Céline. Si les parents s’intéressent à ce que l’enfant fait à l’école, l’enfant va s’intéresser à l’école.
L’ambition au bout : que l’enfant soit à l’aise avec le langage et l’école, et ait ainsi la possibilité de suivre une trajectoire scolaire sans échec. La démarche de l’association Coup de pouce (déployée dans 240 villes de France, soit auprès de plus de 10 000 enfants) est arrivée sur le territoire grenoblois dans le cadre du dispositif Ambition Jeunesse, porté par la Ville de Grenoble et la Break poverty foundation, avec le soutien de trois mécènes (fondation GEG, Caisse d’Epargne Rhône-Alpes et Fonds Rouilly), et grâce aux fonds associés au label de l’Etat Cité éducative. Une manière de lutter très concrètement dès l’enfance contre ce qui détermine les inégalités sociales.
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