Pourquoi avoir créé cette Tournée du Climat et de la Biodiversité ?
Météo et Climat, Société française de la météorologie et du climat, la société savante française de référence dans ce domaine que j'ai l'honneur de présider, porte ce projet. Son histoire remonte à la COP21 en 2015, où le Train du climat a été créé par un groupe de climatologues toulousain-es afin de sillonner la France et sensibiliser à cet enjeu. Il y a eu depuis plusieurs déclinaisons ayant abouti à la Tournée du Climat et de la Biodiversité qui a connu sa première étape à l’automne 2023 et a depuis parcouru 16 villes.
Il semblait essentiel de se rendre dans une métropole comme Grenoble, surtout à l’occasion de la Biennale des Villes en transition. S’inscrire dans ce type d’événement permet aux visiteurs et aux visiteuses d’avoir accès à la fois à des données scientifiques, mais aussi aux solutions proposées par les acteurs et les actrices du territoire. Il est important pour nous que la connaissance puisse mener à l’action.
Pourquoi ne plus seulement parler climat, mais aussi biodiversité ?
C’est effectivement une des rares expositions portant sur les deux thématiques, le climat et la biodiversité. Ces deux défis du siècle sont en réalité intrinsèquement liés, leurs impacts, mais aussi leurs solutions ! D’ailleurs, cette vision systémique doit nous faire réfléchir à des solutions qui ne vont pas résoudre l’un de ces problèmes tout en aggravant l’autre.
C’est pourquoi, au sein de l’exposition, les deux sont traités ensemble chaque fois que possible et avec le même niveau d’expertise. Les contenus biodiversité ont été créés avec le Muséum national d’Histoire naturelle et des chercheurs et des chercheuses spécialisé-es dans cette thématique sont présent-es à chaque étape.
La parole scientifique est au cœur du projet de cette Tournée. Quel est votre sentiment sur le regard qu’on porte aux scientifiques aujourd’hui ?
Ce projet se distingue d’abord par le rôle central des scientifiques dans sa conception. Tout au long du parcours, des jeux et manipulations permettent d’apprendre en s’amusant et en participant. Mais surtout et c’est tout l’intérêt de la Tournée : les chercheurs et chercheuses guident eux-mêmes le public tout au long de l’exposition. C’est une manière de faciliter les débats et l’appropriation des problématiques, pour les fins connaisseurs, comme pour les néophytes.
Mais aussi rencontrer et pouvoir passer du temps avec un-e scientifique, c’est important, pour les adultes et évidemment pour les scolaires. Je suis persuadé que ces échanges permettront de faire naître chez chaque personne des pistes de réflexion afin d’encourager toutes les générations à se mettre en action.
Plus précisément, on voit depuis trois mois aux US une sorte de mise au rebut de la parole scientifique : qu’est-ce que cela vous inspire ?
Depuis la prise de fonction de l'administration Trump le 20 janvier dernier, les sciences de la météo et du climat sont visées par les actions de démantèlement des institutions scientifiques aux États-Unis. Près de 10 % des personnels de la NOAA (Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique) ont par exemple été licenciés du jour au lendemain.
Comme signe révélateur d’une volonté de désinformer, des pages de sites Internet publics traitant du changement climatique ont été supprimées par le Département de l’agriculture du pays. Ce sont des attaques sans précédent. Ces décisions mettent en péril des décennies de construction de savoirs, pour les États-Unis et le monde entier, le système climatique ne connaissant pas de frontière.
Par ailleurs, les États-Unis n'ont pas envoyé de délégation ni autorisé le déplacement de scientifiques de ce pays à la 62e session du GIEC du 24 février au 1er mars 2025 à Hangzhou en Chine. J'ai passé ma vie à défendre la diplomatie climatique et je continuerai à le faire ! Sans les COP, nous ne serions pas à +3 °C de réchauffement à la fin du siècle, mais à +4 ou +5 °C.
Pensez-vous qu’une même déconsidération est à craindre en France ?
Les situations ne sont pas comparables, même si le climatoscepticisme reprend de la vigueur partout, y compris dans notre propre pays. Nous devons rester vigilant-es.
Et plus généralement, comment rester positif face à l’avalanche de mauvaises nouvelles concernant la protection de notre environnement ? Il semblerait que les alertes répétées depuis des décennies n’aient pas réussi à infléchir les décisions…
Effectivement, la communauté scientifique -à laquelle j’appartiens- alerte depuis plus de quarante ans. Cependant, il ne faut pas baisser les bras car derrière chaque dixième de degré de température supplémentaire, il y a des millions de vies humaines en jeu. Il faut limiter le changement climatique de manière à ce qu’on puisse s’y adapter, de même que la nature qui nous entoure.
C’est inscrit au cœur de l’exposition de la Tournée du Climat et de la Biodiversité : il n’est pas trop tard pour agir ! Chaque effort, chaque décision compte.
Se loger, se nourrir, se déplacer : ce sont 2/3 des émissions de gaz à effet de serre. Les pouvoirs d’agir – même s’ils sont bien sûr différents – existent à tous les niveaux et s’entraînent les uns les autres : entreprises, citoyens et citoyennes, collectivités, institutions. Je suis convaincu que la transition peut être synonyme d'une meilleure qualité de vie et de progrès social.
Informations complémentaires
Palais des Sports de Grenoble
14 boulevard Clemenceau 38000 Grenoble
Durée
Conférence Jean Jouzel
samedi 10 mai - 15h-17h - Palais des Sports de Grenoble
Exposition Tournée du climat et de la biodiversité, 10-17 mai - Palais des Sports de Grenoble
à lire en complément
l’agenda associé
- du Samedi 10 mai au Samedi 17 mai
Palais des Sports Pierre Mendès France
