Portrait de Yasmina El Lhaissi.
© Sylvain Frappat

Yasmina El Lhaissi : le taxi, sa (nouvelle) vie

Comme Joe (le taxi), «elle connaît toutes les rues par cœur (…)». Pas de rumba dans son véhicule mais le sourire, du matin au soir. Yasmina El Hlaissi, 44 ans, est l’une des quatre conductrices des 109 taxis grenoblois, une reconversion qui confirme son goût pour l’indépendance et les valeurs de service et de proximité qui lui sont chères. Rencontre.

Société

Par Isabelle Ambregna, publié le 5 nov. 2025

Article

Ce matin-là, Yasmina El Hlaissi n’est pas au volant de son véhicule mais assise juste en face de nous, en terrasse, à la petite table d’un café grenoblois. En tenue noire sportswear, solaires sur le nez, cheveux longs impeccables, la conductrice de taxi de 44 ans, a tout de suite dit oui à la proposition d’interview, éteignant le lumineux de son véhicule stationné place Victor-Hugo – qu’elle regarde par intervalles… Parler de son métier l’enchante.

L’exercer lui plaît davantage. Par passion pour les beaux véhicules ? En raison d’un besoin insatiable de conduire ? Rien de tout cela n’a décidé Yasmina El Hlaissi à devenir Taxi-Grenoble, comme on dit dans le jargon. Ce virage à 180 degrés, la Grenobloise, diplômée d’un BTS de biochimie et mère de cinq enfants de 7 à 18 ans, le prend officiellement en avril 2024. Après quinze années dans un laboratoire d’analyses agroalimentaires, je ne m’y projetais plus, confie celle qui, durant ses congés maternité, orchestrait sa vie de famille, les transports des enfants, gérait son temps et chérissait son indépendance.

Véhicule électrique

Un jour, son mari lui souffle l’idée de devenir conductrice de taxi : « Je me suis braquée ! Pour moi, c’était un métier d’hommes et d’anciens ! », raconte Yasmina qui chemin faisant, les observe, et se dit : Tiens, une conductrice, tiens des jeunes conducteurs… L’idée mûrit. J’ai intégré une formation dans un organisme agréé qui m’a mise en confiance. Une reconversion, ce n’est pas toujours simple, il y a un moment où vous regardez en arrière et vous vous dites : est-ce que j’ai fait tout ça pour rien ?

La rigueur et la persévérance de ses études et de son premier métier l’ont justement aidée. Pour [se] tester, elle embauche d’abord, à Vif, dans une entreprise de taxis (dirigée par une femme), et se sent confirmée dans son choix. Yasmina passe la vitesse supérieure, crée son entreprise, obtient au printemps 2024 la précieuse licence, investit à crédit dans son véhicule électrique, une Tesla noire rachetée à un conducteur de taxi qui partait en retraite.

Contact humain

Depuis 18 mois, pas un jour où elle regrette sa vie d’avant. Au volant dès 6 h 30 et de retour chez elle vers 19 heures (heureusement, j’ai un mari génial qui s’occupe des enfants), la conductrice assure une dizaine de courses par jour – transmises via le standard du GIE Taxis grenoblois auxquelles elle peut postuler via sa tablette.

Des courses société, des privées, des médicales, et celles pour les enfants en situation de handicap : C’est un métier très varié, il n’y a aucune routine, chaque course est unique, souligne la conductrice.

Dans l’habitacle, certaines personnes ont juste besoin qu’on les dépose et ne disent rien, il y a celles aussi qui prennent le taxi pour rompre la solitude, la plupart ont besoin d’être écoutées. Sur un trajet Grenoble-Lyon, certaines m’ontraconté leur enfance. Il faut aimer conduire et le contact humain, donner de soi aussi, et c’est tellement gratifiant. Une femme-taxi ? On lui rend son sourire et on lui parle, paraît-il, encore plus…