Vous vous intéressez à l’économie sociale et solidaire (ESS), et notamment à la vie associative. Quel regard portez-vous sur la vie associative grenobloise ?
Amélie Artis : Elle est dynamique et marquée par les spécificités du territoire, comme les enjeux de la montagne ou les changements de regard sur un quartier. Ce tissu associatif est singulier car il repose sur des équipements qui sont portés de longue date par les pouvoirs publics. Dès 2001, des élus ont structuré son organisation ; une acculturation et une dynamique se sont installées. Le festival Yess organisé à Grenoble a été un événement important et fédérateur porté par les acteurs et actrices de l’ESS. Il existe des structures associatives comme Alpes Solidaires qui occupent un rôle d’animation du territoire. Les associations font partie de l’écosystème pour les habitant-es, pour les pouvoirs publics, pour les étudiant-es aussi. Les Grenoblois-es se sont saisi-es de l’outil associatif.
Grenoble est une ville connue pour sa culture de la Résistance, son militantisme… Est-ce qu’il existe ici une histoire et un paysage associatif particuliers ?
Le territoire est marqué par une auto-organisation des personnes dès le XIXe siècle avec la première société d’entraide et d’assistance aux ouvriers et ouvrières des ganteries qui a préfiguré les sociétés de secours mutuels, puis la Sécurité sociale. Ensuite, une alliance s’est faite entre les notables de la ville et les pouvoirs publics locaux pour dynamiser les actions à mener, et enfin il y a eu la guerre avec l’esprit de la Résistance. Ces trois cultures forment une philanthropie bienveillante et un rôle de l’action municipale qui ne sont pas anodins. C’est pour cela que la maison des associations est municipale alors que sur d’autres territoires, elle est associative.
Plusieurs associations sont nées à Grenoble, comme Peuple et Culture, association d’éducation populaire, comme l’une des premières Régies de quartier, le Planning familial, et parmi les premières crèches parentales.
Quel rôle jouent les associations dans notre vie démocratique locale au quotidien ?
Ce sont des fabriques de la démocratie. Cela s’observe d’abord car elles suivent une règle stricte de l’égalité des personnes. Puis, ce sont des endroits où les citoyen-nes s’engagent pour une cause, un collectif, un vivre-ensemble et non pour servir des intérêts individuels. Certains auteurs nomment les associations comme des « espaces publics de proximité », c’est-à-dire où l’on va recréer des agoras, pouvoir discuter. Ces espaces contribuent à faire émerger des problèmes publics. Bien sûr, comme toute démocratie, c’est au pluriel et cela comporte des paradoxes et des mises en œuvre complexes !
Plus de 6 000 personnes sont salariées du secteur associatif à Grenoble. Quelle place occupe l'employeur associatif ?
C’est le premier employeur de l’ESS sur le territoire. Il s’agit d’un emploi de proximité, plutôt féminin et qui assure un rôle d’insertion soit car il permet une première entrée sur le marché du travail, soit en relation avec les politiques d’insertion pour les personnes éloignées de l’emploi. Ce travail se fait dans des petites équipes et les frontières entre les temps salariés et ceux bénévoles peuvent être source de difficultés de management. C’est un cadre particulier où la personne employée est au service du collectif de personnes qui a monté la structure.
Il faut surtout retenir que les associations sont une richesse du territoire qui est aujourd’hui parfois mise en difficulté par les baisses des financements et des attaques sur les libertés, c’est une richesse à protéger.
Informations complémentaires
Durée
« L’ESS : un modèle démocratique pour tous et par tous ? », mardi 16 décembre de 9h à 12h à Sciences Po Grenoble-UGA.
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